L’association CASAMEMOIRE, dont la mission est la sauvegarde du patrimoine architectural du XXème siècle, organisait les 4èmes nocturnes du patrimoine les 22 et 23 mars derniers.
Une visite du centre ville, appelé aussi ville européenne, était proposée et permettait de découvrir l’intérieur de certains édifices.
Cette partie de la ville est d’une immense richesse architecturale avec des courants d’avant-garde à l’époque : art nouveau, art déco, néo-marocain, fonctionnaliste, cubiste, paquebot, Bauhaus …
Quelques éléments historiques permettront de mieux comprendre l’émergence de ce quartier.
En 1900, Casablanca compte environ 25 000 habitants dont 500 Européens en majorité des Espagnols… et seulement 30 Français. Tous vivent dans la Médina.
La ville, avec son projet de port, va alors connaître une croissance fulgurante de sa population avec l’arrivée de Marocains et d’Européens de toutes classes sociales attirés par ce nouvel Eldorado ; elle commence à se développer hors les murs de façon assez anarchique.
A l’avènement du Protectorat Français en 1912, Lyautey, qui porte un intérêt immédiat à Casa et à son port déjà très actif, décide la création d’une ville nouvelle pour loger l’afflux des Européens.
C’est Henri Prost qui va concevoir le plan d’urbanisme de la ville selon un double concept :
– une vaste circonférence avec un boulevard circulaire (de nos jours Zerktouni) et des avenues le reliant à la Médina
– un aménagement en zonage (Médina, zone européenne, zone industrielle, zone de plaisance-Anfa, zones vertes).
L’urbanisme précède l’architecture.
Des chantiers pharaoniques vont être lancés, notamment pour la création de la Place Mohamed V et du Boulevard Mohamed V.
La Place Mohamed V présente une unité architecturale de style néo-marocain.
Ce style nouveau d’inspiration mauresque et arabo-persique est imposé par Lyautey dans un souci de pérennisation de l’artisanat marocain (zelliges, tuiles vernissées, ferronnerie, travail du bois de cèdre, panneaux sculptés…) et afin de garantir l’emploi des Marocains.
La place va s’installer à l’emplacement de l’ancien camp militaire et devenir le centre administratif et le cœur du pouvoir du Protectorat.
On y retrouve l’imposante WILAYA (préfecture) et sa tour d’inspiration italienne, La Poste centrale largement inspirée de celle d’Alger, le palais de justice avec sa porte monumentale, la Banque Al Maghrib et sa façade magnifiquement décorée.
Dans un souci de pacification, les 2 bâtiments militaires, Cercle des officiers et actuel Consulat de France sont plus petits et en retrait.
S’y trouvaient également des lieux de loisirs ; le théâtre et l’automobile-club aujourd’hui disparus.
Si l’extérieur des bâtiments reprend les codes du style néo-marocain, la décoration intérieure est plutôt art-déco.
La plupart de ces édifices a été conçue par des architectes Français très prolifiques à Casa : Marius Boyer, Brion, Marrast ….
Le boulevard Mohamed V (ex Bd de la gare)
Cette artère apparaît dès le début des années 1900. Les constructions s’y font de manière anarchique au rythme d’une forte spéculation immobilière et sans voirie possible.
Lyautey qui souhaite créer un grand boulevard reliant la place de France (Nations-Unis) à la gare, va devoir négocier avec les colons déjà installés. Un remembrement total de la propriété va être opéré, basé sur la destruction de l’existant et l’attribution de nouvelles parcelles. Seul le propriétaire de l’immeuble à l’entrée de l’artère refusera la proposition : le boulevard ne sera donc pas rectiligne !
Il devient l’épine dorsale et le centre commercial de la ville nouvelle avec boutiques, banques, restaurants, hôtels, cinémas…
C’est là que vont s’exprimer dans une grande liberté de nombreux styles architecturaux d’avant-garde.
- L’immeuble Socifrance dans un style Bahaus
- L’immeuble Benhadan de style paquebot
- Les immeubles Glaoui, Grand bon marché, le cinéma Vox …de style art-déco
- L’immeuble Trianon, le crédit du Maroc de style fonctionnaliste
- La Société Générale, Maroc-Soir, la bourse du commerce, le marché central, l’hôtel Lincoln-Bessoneau…de style néo-mauresque
- La banque Attijariwaffa de style cubiste/néo-marocain
- L’immeuble Assayag de style fonctionnaliste-cubiste
Et bien d’autres…
Le centre ville de Casablanca dispose d’un patrimoine architectural du XXème siècle d’une grande richesse, à découvrir ou redécouvrir.
Cette visite gratuite, ainsi que celle de la Médina et des Habous sera de nouveau proposée par l’association CASAMEMOIRE durant les journées de patrimoine qui auront lieu les 18 et 19 mai en journée.
IR