Inutile d’apporter ses tapis lorsque l’on part en expatriation au Maroc.

Vous aurez l’embarras du choix pour équiper votre nouveau logis à Casablanca.

Vous avez sans doute en tête le tapis de Beni Ouarain, largement imité par les marques de décoration qui le vendent sous l’appellation de style berbère. Mais la palette des tapis amazighs est bien plus riche, vous la découvrirez en arrivant au Maroc.

Originaires du Moyen Atlas et des plaines autour de Marrakech, les tapis amazighs ont toujours été utilisés à la maison, pour couvrir les sols ou servir de couverture et ils étaient bien souvent le seul élément de décoration. Pour les nomades, le tapis devenait aussi toit, porte ou cloison.

Les tapis, ancrés dans la tradition amazigh

Emblèmes de la culture amazigh depuis des centaines d’années, les tapis sont fabriqués à la main par les femmes à partir de laine tissée sur des métiers en bois. La taille du métier limite souvent la largeur du tapis à 2 mètres. Dans la tradition, le tissage est entouré de nombreuses croyances : la préparation de la laine suivait un rituel pour chasser le mauvais œil, il y avait des jours où il était préférable de ne pas tisser, le fuseau servait d’amulette protectrice… Et le métier était craint et vénéré. Les hommes n’avaient pas le droit de l’utiliser. Le métier était considéré comme un être vivant tant que les fils étaient tendus et mort quand il était vide. La mise en place des fils de la chaîne suivait ainsi un protocole qui ne devait pas être interrompu sous peine de mauvais sort. De même, lorsque le tapis était terminé, on ne coupait surtout pas les fils, mais on les brûlait. Et les femmes chantaient comme lors un deuil.

Des livres ouverts

Le tapis raconte l’histoire de la femme qui l’a réalisé patiemment à la main, durant un mois ou plus. Chaque œuvre est unique. Les femmes travaillent à l’instinct, nourries par le savoir-faire transmis par leurs mères et grands-mères. Elles ne s’appuient pas sur un modèle, mais sur leur inspiration. La fabrication du tapis est un espace de liberté où chacune exerce sa créativité et s’exprime pour livrer ses émotions, sa propre histoire et celle de sa communauté. Les tapis sont comme des livres remplis d’histoires. Les dessins évoquent souvent l’art rupestre avec leurs motifs composés de signes géométriques et de symboles. On retrouve d’étonnantes ressemblances ou correspondances. Le langage abstrait et géométrique du tapis amazigh est inspiré du corps. Fondé sur la dualité et la rencontre homme-femme, il devient l’expression de la fertilité universelle et le la nature. Le tapis reflète surtout les phases de la vie de la femme qui l’a créé : jeune mariée, unie avec son mari, sa grossesse et l’enfantement.

Redonner à la femme le fruit de son labeur et de son art

Si le tapis est admiré et que l’on reconnaît volontiers qu’il a dû nécessiter des heures de patience, le travail des femmes n’a pas toujours été rétribué à la hauteur du temps passé, de la qualité, de la technique et du résultat artistique. L’essentiel du gain profitant souvent davantage aux coordinateurs des ateliers et aux intermédiaires. Alors, certaines femmes se sont peu à peu organisées en coopérative, comme par exemple dans la «Coopérative Féminine Iznaguen des Tapis Authentiques». Cette coopérative a été fondée par Sfia Iminetras en 2009 avec 62 autres femmes vivant dans quatorze villages autour d’Iznaguen. Grâce à cette initiative, elles gardent le contrôle sur tout le cycle de production et de commercialisation de leurs tapis, y compris à l’étranger en étant présentes sur des salons à travers le monde. La coopérative a même reçu le label  «Morocco Handmade» initié par le secrétariat d’Etat en charge de l’Artisanat et de l’Economie qui certifie le respect des critères de qualité de la production, la responsabilité sociétale et les bonnes pratiques de gestion. C’est donc une vraie reconnaissance qui leur permet aussi de commercialiser de manière plus directe les tapis et donc de supprimer certains intermédiaires entre les artisanes et leurs clients. Les femmes tirent ainsi plus de bénéfices directs de leur travail. Cela contribue à l’amélioration de leurs conditions de vie et à davantage d’autonomie, affirmant aussi leurs positions d’actrices économiques et d’artistes.